Читать книгу «Le Fils des Dragons» онлайн полностью📖 — Моргана Райс — MyBook.
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CHAPITRE HUIT

Le grand salon était déjà comble lorsque Vars y pénétra. La foule était si nombreuse que les grands tapis qui délimitaient en temps normal les courtisans selon leur rang avaient été disposés de façon approximative. Etaient présents les nobles, ainsi que les dirigeants des Maisons des Marchands, des Armes, des Lettrés et même des Soupirs. Les portes du fond étaient ouvertes afin que tous puissent écouter, les bannières aux murs claquaient au vent.

Presque autant que leurs bouches. Vars n'avait jamais apprécié le brouhaha de la cour, toutes ces voix qui caquetaient en même temps l'irritaient d'autant plus.

"Nous devons surveiller la Slate," dit un nobliau.

"Pourquoi ?" rétorqua un chevalier. "Au cas où Ravin construirait des ponts pendant que nous avons le dos tourné ?"

“Exactement,” répondit l'homme, visiblement oublieux de sa propre stupidité.

“Nous devons nous consulter et unir nos forces,” dit le Commandant Harr. Le commandant des Chevaliers d'Argent se tenait là dans son armure, sa barbe grise descendait sur son plastron, Vars se demandait s'il ne dormait pas avec. “Nous ne devons laisser aucune brèche dans nos lignes de défense.”

"Cela signifie que nous devons en assumer le coût ?" demanda le chef de la Maison des Marchands, il portait tant de chaînes en or qu'une seule aurait probablement suffi à financer la guerre.

"Nous devons étudier ce qui se passe," dit le chef des lettrés, austère avec sa robe sombre et son crâne rasé.

"Nous devons augmenter la production," ajouta le représentant de la Maison des Armes.

La patronne de la Maison des Soupirs gardait le silence, visiblement satisfaite d'assister à cet échange. Vars n'avait que faire de l'avis d'une simple courtisane.

Vars demeurait dans l'ombre du trône, les écoutant poursuivre, attendant que l'un d'eux remarque sa présence. Les secondes passèrent à se chamailler, les uns disant d'attendre, d'autres, d'aller de l'avant. Aucun consensus ne semblait prendre forme, chaque partie en présence ayant ses propres stratégies, ses propres idées sur quelles troupes devaient aller où et comment, qui devrait payer.

Il sentit sa colère monter, colère balayant même sa peur face à cette assemblée. Il s'avança vers le trône et se planta devant délibérément.

"Silence !" Seuls certains d'entre eux se turent. "Si vous ne faites pas silence, je fais évacuer la salle par les gardes !"

Le calme se fit enfin. Tous le regardaient dans un silence pesant. L'angoisse qui s'était emparée de Vars n'a fit qu'aggraver son état. Il se sentait petit et vulnérable avec tous ces regards rivés sur lui, Vars détestait cela.

"Je suis désormais le roi !" lança-t-il, en défiant leurs regards. "Vous parlez comme si c'est vous qui décidiez de l'invasion, c'est moi qui décide !"

"Votre Altesse," dit un comte en s'avançant. "Sauf votre respect, cette décision concerne le royaume en son entier, et votre père est toujours en vie. Il est important que toutes les parties en présence aient leur mot à dire."

Vars lui jeta un regard furieux. "Vraiment ? Vous souhaitez peut-être demander leur avis aux paysans qui travaillent votre terre ?"

L'homme fut pris au dépourvu. "Votre Altesse, les nobles ne sont pas des paysans. Notre position vis-à-vis de vous n'est pas la même que la leur par rapport à nous."

"On s'adresse à un roi en lui donnant du votre majesté," lui répondit Vars.

"Mais vous êtes le régent, Votre Altesse," rétorqua un autre noble, que Vars reconnut comme étant le Marquis d'Underlands. "Nous devons respecter toute décision prise à cet égard, mais il est également vrai que vous n'êtes que second dans l'ordre d'accession au trône. Aucune décision définitive n'a encore été prise."

"Une décision définitive à quel sujet ?" tempêta Vars, sentant la situation lui échapper.

"Quant à savoir si vous serez roi," répondit le marquis.

Vars aurait voulu décapiter cet homme pour son affront, l'étrangler à mains nues. Sauf que… le marquis était un homme grand, Vars sentit la peur le terrasser, le pétrifier, l'empêchant de faire ce qu'il voulait désespérément faire.

"De tels propos frisent la trahison, mon seigneur," dit une voix dans son dos. Vars poussa un soupir de soulagement en reconnaissant Finnal, qui se frayait un chemin parmi la foule. "Mon père ne validerait certainement pas."

L'homme recula légèrement. "Ce n'était pas dans mes intentions. Simplement que les rôles traditionnels de la noblesse doivent…"

"Le rôle traditionnel de la noblesse est de soutenir le roi," déclara Finnal en esquissant un geste en direction de Vars. "Poursuivez, je vous prie, Majesté."

Vars reprenait confiance, rasséréné par le soutien de Finnal.

"D'après nos informations, les hommes du Roi Ravin attaquent via l'Ile de Leveros," déclara Vars. "Ma propre sœur a pris des risques pour nous apporter cette information."

Erin considérait désormais sa sœur qui avait agi de façon utile. Elle redeviendrait bientôt sa demi-sœur.

"Nous en sommes conscients," affirma le Commandant Harr. "La question est de savoir quoi faire pour les contrer. Les implications militaires sont complexes, et—”

"La situation militaire est simple," décréta Vars. "Notre ennemi ignore que nous possédons ces informations. Nous savons qu'ils attaquent au nord. Ils pensent que nous sommes encore sous le choc de l'attaque des ponts du sud. Nous irons par conséquent à leur rencontre."

"Qu'est-ce à dire ?" demanda le Commandant Harr. Le vieil homme avait une manière bien à lui de poser des questions à Vars, qui lui donnait l'impression d'un ignare. "Quelles troupes devons-nous envoyer, lesquelles laisser derrière nous ?"

"Mais enfin Commandant. Nous enverrons vos chevaliers."

"Tous ?" s'exclama le représentant de la Maison des Armes. "Royalsport resterait sans défense ?"

"Les gardes resteront ici, évidemment," poursuivit Vars. "Ainsi que les escortes privées de mes fidèles nobles." Il les regarda tous afin de s'assurer de leur loyauté. "Mais les Chevaliers d'Argent iront vers le nord pour affronter la menace, avec autant de soldats possibles en mesure de se déplacer rapidement. Nous les attaquerons dès qu'ils débarqueront, et les prendrons par surprise."

Le génie de ce plan résidait dans sa simplicité et sa rapidité. Cela signifiait également que les combats se dérouleraient loin de la capitale. Vars s'attribuerait le mérite de la victoire, sans jamais approcher du combat. Le plan idéal.

"Je ne pense pas—” commença le Commandant Harr, mais Vars l’interrompit.

"Nous sommes en position de force. Notre ennemi croit nous avoir bernés, peut semer la désolation dans le nord du royaume à sa guise. Cette situation ne durera pas. Il s'attend à ce que des messagers se dirigent vers le sud après son arrivée. Nous devons agir dès à présent. Nous devons tout mettre en œuvre pour en finir. La tête du Roi Ravin finira sur une lance, nous lui montrerons que le Royaume du Sud ne peut nous atteindre, ne peut enlever ma sœur, tuer mon frère, assassiner mon père !"

Vars n'en avait cure mais si ses courtisans s'en souciaient, alors il les utiliserait pour parvenir à ses fins.

Les discussions reprirent bon train. Ils auraient dû applaudir son plan, chanter ses louanges, mais se mirent à échanger. Tous parlaient en même temps, Vars ne distinguait que des bribes de conversation.

"Les précédents historiques sont inquiétants…" déclara le chef des lettrés.

"Nous allons assumer le fardeau d'une telle décision," rétorqua un comte.

"…sans parler des conséquences selon les terres traversées," dit un des chevaliers, comme si un simple chevalier avait son mot à dire.

Même la patronne de la Maison des Soupirs semblait vouloir ajouter son grain de sel, elle chuchotait à ses voisins des paroles que Vars ne pouvait entendre. À son grand étonnement, certains d'entre eux acquiescèrent, comme si la femme de cette Maison-là était plus au fait de la guerre que le régent.

"…devrions attendre les ordres du Roi Godwin à son réveil," dit un noble, Vars sentit sa rage gronder.

Finnal s'interposa une fois de plus, mains levées. "Mes seigneurs, mesdames. Nous avons eu de nombreuses occasions d'en discuter, mais le temps est venu d'agir. Le régent a pris une décision pour le bien du pays, à nous d'agir. Je le dis maintenant, en tant que membre de sa famille et en tant qu'ami, le Régent Vars tient notre sécurité à cœur. Nous devons agir ; nous attaquerons les troupes du Roi Ravin au nord sur le champ !"

La foule l'acclama, Vars lui en sut gré, d'autant plus lorsqu'il vit que les chevaliers se mettaient en branle parmi la foule, se dirigeaient vers la cour pour rassembler des provisions. Il éprouva une vive satisfaction à l'idée que les gens lui obéissent, même s'il avait fallu que Finnal s'en mêle.

Mais en même temps, il était en colère. En colère qu’on ait osé le défier, l'ait remis en question, l'ait regardé de haut, il n'avait de régent que le titre. Une situation qu'il ne pouvait pas se permettre de supporter, une situation qu'il ne supporterait pas.

Il devait agir.

CHAPITRE NEUF

Le Roi Ravin se tenait à la proue de son vaisseau amiral, son armure étincelait, un vrai héros, sa couronne posée sur ses boucles brunes, la main sur la garde de son épée, veillant à avoir l'air d'un roi guerrier, tandis que son armada se rapprochait de la côte d'Astare.

Il ressentit une vive satisfaction. Il éprouvait toujours une certaine joie sachant que les choses se passaient toujours comme prévu, qu'il s'agisse de chasser une proie, séduire une femme ou conquérir un royaume.

Il avait éprouvé la même satisfaction en s’emparant du trône de son père voilà bien des années, il l'avait ressenti avec chaque groupe de mercenaires infiltré dans le Royaume du Nord sur ses ordres, chaque espion qui rapportait de plus amples informations sur le territoire, les villages, les marchandises. Il avait planifié chaque détail de la future conquête qui se déroulait maintenant exactement selon ses plans.

Il savait que ses hommes le surveilleraient, attendraient ses ordres. Déjà, une douzaine de ses navires attaquaient la cité, le reste attendait, sous son autorité. Pas un homme n'aurait osé agir sans son commandement, et pas seulement parce qu'ils savaient tous qu'agir sonnerait leur mort ou celle de leurs familles. Tous les hommes présents savaient qu'ils n'étaient qu'un maillon de la chaîne, que seul leur roi maîtrisait le plan dans son ensemble.

Tout était pour le mieux. Un roi qui confie ses plans ne demeure pas roi longtemps. Il n'y avait qu'à voir son idiot de père, qui avait confié à Ravin la moindre de ses pensées, la moindre réflexion. Sa mort avait facilité l'unification du royaume.

"Alors ?" dit Ravin en se tournant vers le pont du navire. Les commandants attendaient, un de la flotte, un des soldats et un troisième vêtu de l'habit ordinaire des mercenaires. Un lettré portait le message d'un pigeon voyageur. Il avait l'air terrifié, Ravin le fit attendre exprès et demanda à l'amiral de la flotte d'avancer d'un geste du doigt.

"Votre Majesté. Le voyage depuis Leveros n'a subi que des pertes minimes. Des troupes du détachement précédent ont débarqué, conformément à vos ordres, elles sont désormais de retour en position au sein de la flotte. Les autres navires attendent votre ordre pour accoster."

Ravin s'adressa au commandant des troupes qu'il avait envoyé à Astare. "Et vous ?"

L'homme s'inclina. "Votre Majesté, l'assaut de la ville est en cours. Ses défenses sont minimes, nous prévoyons de la contrôler d'ici quelques heures. Les hommes ont reçu ordre de tuer tous ceux qui résisteraient."

"Et mes mercenaires ?" demanda Ravin au troisième homme.

"Ils sont à leur poste dans les colonies du royaume, prêts à recevoir vos troupes provenant d'Astare jusqu'à Royalsport."

Le Roi Ravin hocha la tête et se tourna enfin vers le messager terrifié. "Vous allez m'annoncer que mes troupes dans le sud ont été vaincues."

Ce n'était pas une question, mais l'homme hocha tout de même la tête. "Le Roi Godwin est tombé au combat, le Prince Rodry est mort mais ils ont réussi à capturé la Princesse Lenore, le pont a été détruit alors que vos troupes se trouvaient dessus," avoua l'homme péniblement.

Le Roi Ravin haussa les épaules et vit le messager écarquiller les yeux de surprise. "Pensiez-vous que je n'avais donc rien prévu ? L'attaque au sud était destinée à échouer depuis le départ, qu'est-ce que ça peut me faire qu'ils aient capturé une princesse ?"

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