Читать книгу «L’Assassin Zéro» онлайн полностью📖 — Джека Марса — MyBook.

CHAPITRE CINQ

Zéro fut réveillé par le soleil qui filtrait à travers les persiennes, chaud sur son visage. Il s’assit et s’étira, se sentant bien reposé. Mais quelque chose ne collait pas : sa chambre était plus grande qu’elle ne l’aurait dû, même si elle lui semblait familière. Au lieu d’un seul bureau face à lui, il y en avait deux, un plus petit que l’autre et surmonté d’un miroir.

Ce n’était pas son appartement de Bethesda. C’était sa chambre à New York… leur chambre, dans la maison qu’ils avaient partagée. Avant… avant tout ça.

Et quand il tourna la tête lentement, il vit l’impossible : elle était là, allongée près de lui, son oreiller à moitié posé sur son torse, dormant tranquillement en débardeur blanc, comme c’était si souvent le cas. Ses cheveux blonds étaient parfaitement disposés sur l’oreiller et elle avait un léger sourire aux lèvres. Elle avait l’air angélique, rassurée, en paix.

Il sourit en reposant doucement l’oreiller sur le lit, l’observant dormir. Il regarda les contours parfaits de ses joues, la petite fossette sur son menton dont Sara avait hérité : sa femme, la mère de ses enfants, le plus grand amour de sa vie.

Il savait que ce n’était pas réel, mais il aurait voulu que ce soit le cas et que ce moment puisse durer pour toujours. Il tendit le bras et toucha doucement son épaule, faisant courir ses doigts le long de sa peau, jusqu’au coude…

Il fronça les sourcils.

Sa peau était froide. Sa poitrine n’était pas soulevée par sa respiration.

Elle ne dormait pas, elle était morte.

Tuée par une dose léthale de tétrodotoxine, administrée par un homme que Zéro avait considéré comme un ami, un homme que Zéro avait laissé vivre. Et cette décision, il la regrettait tous les jours.

“Réveille-toi,” murmura-t-il. “Je t’en prie, réveille-toi.”

Elle ne se réveillait pas. Elle ne se réveillerait plus jamais.

“Je t’en prie, réveille-toi.” Sa voix se brisa.

C’était à cause de lui qu’elle était morte.

“Réveille-toi.”

C’était à cause de lui si elle avait été assassinée.

“RÉVEILLE-TOI !”

Zéro prit une vive inspiration et s’assit tout droit dans son lit. C’était un rêve. Il était dans sa chambre de Bethesda aux murs blancs vides, avec un seul bureau. Il ne savait pas s’il avait crié pour de vrai ou pas, mais il avait mal à la gorge et un puissant mal de tête était en train d’arriver.

Il poussa un grognement et attrapa son téléphone pour savoir l’heure qu’il était. Le soleil s’était levé, c’était Thanksgiving. Il devait sortir de son lit. Il avait une dinde à enfourner. Il ne pouvait pas s’attarder sur ce cauchemar, parce que ça signifierait s’attarder sur le passé, et s’attarder sur…

Sur…

“Oh mon dieu,” murmura-t-il dans un souffle. Ses mains tremblaient et il avait l’estomac retourné.

Son prénom. Il n’arrivait pas à se souvenir de son prénom.

Pendant un long moment, il resta assis ainsi, regardant partout sur le lit comme si la réponse allait être écrite là, sur sa surface. Mais il n’y était pas, et il ne semblait pas non plus se trouver dans sa tête. Il ne parvenait pas se souvenir de son prénom.

Zéro rejeta sa couette et tomba quasiment du lit. Il se mit à genoux et attrapa quelque chose sous le lit, une boîte sécurisée et ignifugée de la taille d’une mallette.

“La clé,” dit-il à haute voix. “Où est cette putain de clé ?” Il se releva et ouvrit le tiroir supérieur de son placard, le sortant presque totalement du meuble. Il s’empara de la petite clé argentée qui se trouvait là, au milieu des chaussettes en boule et des ceintures enroulées. Puis il se laissa retomber au sol en déverrouillant sa boîte secrète.

Dedans, se trouvait un assortiment de documents importants et d’objets. Parmi eux, il y avait son passeport et ceux des filles, son certificat de naissance, sa carte de sécurité sociale, deux pistolets, mille dollars en espèces et son alliance. Il sortit tous ces éléments un par un et les disposa en pile au sol, car ce n’était pas ce qu’il cherchait. Il s’arrêta brièvement sur une photo d’eux quatre à San Francisco, un été, quand Maya avait cinq ans et Sara trois ans. La femme sur la photo lui était totalement familière. Il pouvait entendre son rire joyeux dans sa tête, sentir son souffle à son oreille, la chaude sensation de sa main dans la sienne.

“Putain, mais c’est quoi son prénom ?!” Sa voix tremblait, et il jeta la photo sur le côté pour continuer à fouiller. C’était forcément là-dedans. Beaucoup de ses affaires se trouvaient encore dans le sous-sol chez Maria, mais il était certain qu’il l’avait mis dans sa boîte sécurisée…

“Dieu merci.” Il reconnut le dossier et ouvrit le rabat. Il y avait une seule feuille à l’intérieur, imprimée sur du papier épais et en relief, avec un timbre du tribunal de New York : leur certificat de mariage.

Il eut la gorge sèche en regardant le prénom. “Katherine,” prononça-t-il. “Elle s’appelait Katherine.” Mais il n’y avait aucun soulagement là-dedans, il ne ressentait que de la terreur. Ce prénom ne déclenchait aucun souvenir en lui, rien de familier. C’était comme un mot étranger dans sa bouche. “Katherine,” répéta-t-il. “Katherine Lawson.”

Pourtant, ça ne sonnait pas bien, même si c’était imprimé là, juste sous ses yeux, noir sur blanc. Est-ce qu’elle était Katherine ? Est-ce qu’il l’appelait Katherine ? Ou peut-être était-ce…

“Kate.”

Il poussa un énorme soupir. Kate. Il l’appelait Kate. Les souvenirs affluèrent soudain, comme un robinet qui s’ouvre. Il se sentait maintenant soulagé, mais encore sous le choc du fait très réel que, pendant ces quelques minutes angoissantes, il avait totalement oublié le prénom de sa femme… Et ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait mettre sur le compte d’une erreur arbitraire.

Zéro attrapa son téléphone mobile et scrolla dans ses contacts. Au diable les frais internationaux, il avait besoin de réponses. Il était six heures de plus en Suisse. C’était le début d’après-midi là-bas. Il fallait juste espérer que le cabinet soit ouvert.

“Décroche,” supplia Zéro. “Décroche, décroche…”

“Cabinet du Dr. Guyer.” La voix féminine qui venait de répondre était douce, teintée d’un accent suisse-allemand. Il l’aurait trouvé sensuel s’il n’avait pas été totalement paniqué.

“Alina ?” demanda-t-il rapidement. “Il faut que je parle au Dr. Guyer, c’est très important…”

“Excusez-moi,” dit-elle, “puis-je vous demander qui vous êtes ?”

Ah oui. “C’est Reid. Je veux dire, Kent. Kent Steele. Zéro.”

“Ah, Agent Steele,” s’exclama-t-elle. “Quel plaisir de vous entendre.”

“Alina, c’est urgent.”

“D’accord.” Elle changea immédiatement de ton. “Je vais le chercher. Patientez un instant.”

Le Dr. Guyer était un brillant neurologue suisse, certainement parmi les meilleurs au monde, et également l’homme qui avait installé un suppresseur de mémoire de la taille d’un grain de riz dans la tête de Zéro quatre ans plus tôt, ce qui avait effacé tout souvenir de son affiliation avec la CIA. Mais Guyer avait agi à la demande même de Zéro et, par la suite, il avait également été le médecin ayant effectué la procédure de restauration de sa mémoire, même si celle-ci avait tardé à fonctionner.

Ils avaient tous deux été quelques fois en contact au cours de l’année écoulée. Le médecin avait été ravi d’apprendre que Zéro avait récupéré ses souvenirs, et il désirait lui faire passer d’autres tests, mais cela nécessitait qu’il se rende en Suisse, ce que Zéro n’avait pas le temps ou l’énergie de faire… même s’il fallait admettre qu’il lui devait bien ça. En tout cas, si quiconque pouvait lui dire ce qui se passait dans sa tête, c’était bien Guyer.

“Agent Steele,” dit une voix profonde dans le téléphone, assez sérieuse pour suggérer qu’ils allaient passer les politesses habituelles. “Alina m’a dit que vous aviez l’air stressé. Quel est le souci ?”

“Dr. Guyer,” dit Zéro. “J’ai besoin d’aide. Je ne sais pas trop ce qui se passe, mais…” Il s’arrêta, saisi par une nouvelle pensée inquiétante. Et si cet appel n’était pas privé ? Et si quelqu’un l’écoutait ? La CIA avait déjà mis ses lignes personnelles sur écoute par le passé. Et s’ils entendaient ça…

Tu deviens paranoïaque. Ne deviens pas cette personne à nouveau.

Pourtant, maintenant que cette idée s’était insinuée dans son esprit, il ne pouvait pas l’en déloger. Il valait mieux se montrer prudent après tout. Il venait juste de retourner à la CIA, et ça lui plaisait, comme s’il avait de nouveau un but dans la vie. Mais s’ils entendaient tout ça, les choses pourraient changer très vite pour lui… Et il ne voulait pas revivre cet épisode apathique dépressif dans lequel il s’était trouvé pendant quinze mois.

“Agent Steele ? Vous êtes toujours là ?”

“Oui, désolé.” Zéro fit de son mieux pour garder une voix calme en prononçant, “J’ai, euh… quelques soucis à me souvenir de certaines choses.”

“Hum,” dit pensivement Guyer. “À court terme ou long terme ?”

“Je dirais plutôt à long terme.”

“Et vous pensez que c’est un… problème ?” Guyer choisissait soigneusement ses mots. Zéro se demanda si le médecin pensait, comme lui, que leur conversation était peut-être écoutée. Quelqu’un comme Guyer pourrait avoir de gros ennuis pour ce qu’il avait fait… certainement être radié de l’ordre des médecins, voire même faire de la prison.

“Je dirais que je devrais planifier ce voyage pour venir vous voir au plus vite,” répondit Zéro.

“Je vois.” Guyer se tut et, durant ce silence pesant, Zéro eut la certitude que le médecin s’efforçait d’être aussi prudent que lui. “Eh bien, il se trouve que vous avez de la chance. Vous n’aurez pas besoin de venir me voir chez moi. J’assiste à une conférence la semaine prochaine à l’hôpital Johns-Hopkins de Baltimore. Je pourrai vous voir là-bas. Je suis sûr que l’un de mes collègues me prêtera volontiers une salle d’examen.”

“Parfait.” Finalement, un semblant de soulagement arriva. Il faisait confiance au médecin pour faire ce qu’il faudrait… ou du moins être en mesure de lui expliquer ce qui se passait dans sa tête. “Envoyez-moi les infos, et je vous retrouverai là-bas.”

“Entendu. Au revoir, Agent Steele.” Guyer raccrocha, et Zéro s’assit lourdement sur le bord de son lit. Ses mains tremblaient toujours et le sol de sa chambre était encombré de toute cette nostalgie éparpillée

Peut-être que c’était normal, se dit-il. Peut-être que le rêve m’a ébranlé et que ce n’était qu’un bref oubli au réveil. Peut-être que j’ai paniqué pour rien.

Bien sûr, il ne croyait pas vraiment à tous les mensonges qu’il pouvait se raconter.

Mais malgré ce qui se passait dans sa tête, il fallait que la vie continue. Il se força à se lever, à enfiler un jean et une chemise. Il remit les objets dans sa boîte, la ferma à clé et la remit sous le lit.

Dans la salle de bains, il se brossa les dents et se passa de l’eau froide sur le visage avant de traverser le couloir jusqu’à la cuisine, juste à temps pour voir Maya refermer la porte du four et mettre le minuteur.

Zéro fronça les sourcils. “Qu’est-ce que tu fais ?”

Elle haussa les épaules et repoussa les mèches sur son front. “Je mets juste la volaille dans le four.”

Il cligna des yeux. “Tu fais cuire la dinde ? C’est un truc que t’apprend West Point ?”

Maya esquissa un sourire. “Non.” Puis, elle brandit son téléphone. “Mais Google, si.”

“Bon… ok. Dans ce cas, je crois que je vais faire un peu de café.” Il fut à nouveau agréablement surpris de constater qu’elle en avait déjà fait couler. Maya avait toujours été aussi indépendante qu’intelligente. Mais, pour lui, son comportement était presque comme si elle essayait de reprendre du poil de la bête. Il ne put s’empêcher de se demander si elle se sentait aussi impuissante que lui au sujet de Sara. Peut-être était-ce sa façon de montrer son soutien.

Aussi, il décida de ne pas s’en mêler et de la laisser faire comme elle voulait. Il prit un tabouret au comptoir et but son café, essayant de chasser de sa tête ses désagréments du réveil. Quelques minutes plus tard, Sara débarqua dans la cuisine, encore en pyjama, les yeux à moitié ouverts, avec ses cheveux rouge-blonds ébouriffés.

“Bonjour,” dit joyeusement Maya.

“Joyeux Thanksgiving,” ajouta Zéro.

“Mmh,” marmonna Sara en se traînant jusqu’à la cafetière.

“Toujours pas du matin, hein, Pouêt-Pouêt ?” la taquina gentiment Maya.

Sara grommela autre chose, mais il vit l’ébauche d’un sourire sur ses lèvres en entendant son surnom d’enfance. Il sentit une chaleur le gagner intérieurement, et ce n’était pas seulement dû au café. C’était cette sensation dont il avait manqué depuis un certain temps, la sensation d’être vraiment à la maison.

Et puis, évidemment, son téléphone mobile sonna.

L’écran lui indiqua que c’était Maria qui appelait et il fit la grimace. Il avait oublié de lui envoyer l’heure et l’adresse pour venir aujourd’hui. Puis, il paniqua à nouveau. Ce n’était pas son genre d’oublier quelque chose comme ça. Était-ce un autre symptôme de son système limbique malade ? Et s’il ne l’avait pas vraiment oublié, mais que ça avait été éjecté de son esprit, tout comme le prénom de Kate ?

Calme-toi, s’ordonna-t-il. C’est juste une petite absence, rien de plus.

Il prit une profonde inspiration, puis répondit au téléphone. “Je suis vraiment désolé,” dit-il immédiatement. “J’étais censé t’envoyer un message, et ça m’est complètement sorti de la tête…”

“Ce n’est pas pour ça que j’appelle, Kent.” Maria avait l’air grave. “Et c’est moi qui devrais m’excuser, parce que j’ai besoin que tu viennes.”

Il fronça les sourcils. Maya le remarqua et imita son expression, alors qu’il se levait de son tabouret pour s’éloigner dans la pièce adjacente. “Que je vienne ? Tu veux dire à Langley ?”

“Oui, je suis désolée. Je sais que le moment ne pourrait pas être plus mal choisi, mais j’ai un problème et il faut que tu assiste à ce briefing.”

“Je…” Sa première idée fut de refuser catégoriquement. Non seulement, c’était un jour férié, et non seulement il gérait toujours la convalescence de Sara, mais Maya lui rendait visite pour la première fois depuis longtemps. Et il ne parlait même pas de sa profonde inquiétude au sujet de cette terrifiante perte de mémoire. Aussi, Maria avait raison : ça ne pouvait pas plus mal tomber.

Il faillit lâcher, “Je dois vraiment venir ?” mais il tint sa langue par peur que les mots ne sortent sur un ton trop énervé.

“Je n’ai pas envie de faire ça plus que toi,” dit Maria avant qu’il n’ait eu le temps de réfléchir à un moyen de refuser. “Et je ne veux vraiment pas abuser de ma position.” Zéro comprit clairement cette phrase-là : Maria lui rappelait qu’elle était sa boss à présent. “Mais je n’ai pas le choix, ça ne vient pas de moi. Le Président Rutledge t’a demandé personnellement.”

“Il m’a demandé, moi ?” répéta Zéro d’un air étonné.

“Eh bien, il a demandé ‘l’homme qui a dévoilé l’affaire Kozlovsky,’ donc c’est à peu près ça…”

“Il parlait peut-être d’Alan,” suggéra Zéro avec un infime espoir.

Maria rigola doucement, même si ça sortit plus comme un léger soupir. “Je suis désolée, Kent,” dit-elle pour la troisième fois. “Je vais essayer de faire en sorte que le briefing soi court, mais…”

Mais ça veut dire que je vais être envoyé sur le terrain. Le message sous-jacent était clair comme le jour. Et le pire, c’était qu’il n’avait aucune excuse ou alibi pour décliner. Il était sous le joug de la CIA à cause de ce qu’il avait fait, maintenant plus que jamais, et il ne pouvait pas vraiment dire non au président qui était, sans aucun conteste, le boss du boss de sa boss.

“Ok,” concéda-t-il. “Donne-moi trente minutes.” Il raccrocha et gémit doucement.

“C’est bon.” Il se retourna d’un coup, et vit que Maya se tenait juste derrière lui. L’appartement n’était pas assez grand pour que cet appel ait été discret, et il était sûr qu’elle avait pu deviner la nature de la conversation, même en n’ayant entendu que ses paroles à lui. “Va faire ce que tu dois faire.”

“Ce que je dois faire,” dit-il fermement, “c’est rester ici avec Sara et toi. C’est Thanksgiving, nom de dieu…”

“Apparemment, tout le monde n’a pas eu l’info.” Elle faisait la même chose qu’il avait tendance à faire, à savoir noyer le poisson avec un peu d’humour. “C’est bon. Sara et moi allons nous occuper du dîner. Reviens dès que tu pourras.”

Il acquiesça, reconnaissant pour sa compréhension, alors qu’il aurait voulu en dire plus. Mais, finalement, il se contenta de murmurer “Merci” et se dirigea dans sa chambre pour changer de vêtements. Il n’y avait rien de plus à dire, car Maya savait tout aussi bien que lui que sa journée finirait certainement à bord d’un avion, plutôt qu’en train de fêter Thanksgiving avec ses filles.

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