Читать книгу «Les Trois Mousquetaires. Уровень 1 / Три мушкетера» онлайн полностью📖 — Александра Дюма — MyBook.
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Chapitre V

Quand d’Artagnan est arrivé au terrain vague[90] près du monastère, Athos l’attendait depuis cinq minutes seulement, et midi sonnait[91]. Athos souffrait cruellement de sa blessure, et d’Artagnan espérait lui proposer ses excuses au lieu du duel et se faire un bon ami de ce mousquetaire. Mais Athos n’a pas changé sa décision. Mais d’Artagnan était étonné quand il a aperçu les seconds d’Athos: c’étaient Porthos et Aramis eux-mêmes.

Athos a dit:

– Sans doute, ne savez-vous pas qu’on ne nous voit jamais l’un sans l’autre, et qu’on nous appelle Athos, Porthos et Aramis ou les trois inséparables[92]?

– Ah! ah! a dit Porthos quand il a vu d’Artagnan, qu’est-ce que cela?

– C’est avec monsieur que je me bats, a répondu Athos.

– C’est avec lui que je me bats aussi, a dit Porthos.

– Mais à une heure seulement, a répondu d’Artagnan.

– Et moi aussi, c’est avec ce monsieur que je me bats, a dit Aramis.

– Mais à deux heures seulement, a dit d’Artagnan avec le même calme.

– Mais à propos de quoi te bats-tu, toi, Athos? a demandé Aramis.

– Il m’a fait mal à l’épaule; et toi, Porthos?

– Ma foi, je me bats parce que je me bats, a répondu Porthos en rougissant.

– Nous avons eu une discussion sur la toilette[93], a dit d’Artagnan.

– Et toi, Aramis?

– Moi, je me bats pour cause de théologie, a répondu Aramis. Il a fait signe à d’Artagnan en luv demandant de tenir secrète la cause de leur duel[94].

– Et maintenant que vous êtes rassemblés, messieurs, a dit d’Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses, parce que je ne pourrai vous payer ma dette à tous trois, car M. Athos a le droit de me tuer le premier. Excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde[95]!

Avec ces mots d’Artagnan a tiré son épée. Mais les deux rapières s’étaient à peine touchées[96], que les gardes de Son Éminence commandés par M. de Jussac, se sont montrés à l’angle du monastère.

– Holà! mousquetaires, a dit de Jussac, on se bat donc ici? Et les édits qui interdisent les duels, qu’en faisons-nous? Rengainez donc, s’il vous plaît, et suivez-nous.

– Messieurs, a dit Aramis, nous vous suivrions mais M. de Tréville nous l’a interdit. Passez donc votre chemin, c’est ce que vous avez de mieux à faire[97].

– Nous vous chargerons[98] donc, a dit Jussac.

– Ils sont cinq, a dit Athos à demi-voix, et nous ne sommes que trois; nous serons encore battus. Mais je ne reparai plus vaincu devant le capitaine[99]. Il nous faudra mourir ici[100].

Maintenant d’Artagnan a du prendre son parti[101]. C’était là un de ces événements qui décident de la vie d’un homme, c’était un choix à faire entre le roi et le cardinal.

Il s’est tourné donc vers Athos et ses amis:

– Messieurs, il me semble que nous sommes quatre.

– Mais vous n’êtes pas des nôtres[102], a dit Porthos.

– C’est vrai, a répondu d’Artagnan, mais mon coeur est mousquetaire, je le sens bien.

De Jussac a proposé à d’Artagnan de se retirer à cause de son âge. Mais d’Artagnan a refusé.

– Décidément vous êtes un joli garçon, a dit Athos en serrant la main du jeune homme, nous ne serons que trois, dont un blessé[103], plus un enfant, et l’on dira que nous étions quatre hommes. Comment vous appelle-t-on, mon brave?

– D’Artagnan, monsieur.

– Eh bien, Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan, en avant! a crié Athos.

Et les neuf combattants se sont précipités les uns sur les autres. Le combat a commencé.

D’Artagnan se battait contre de Jussac. Le jeune homme a paré son coup et lui a passé son épée au travers du corps[104]. Jussac est tombé comme une masse[105]. Autres trois gardes ont été désarmés, l’un était mort. Les mousquetaires les ont portés sous le porche du couvent.

Puis ils se sont acheminés vers l’hôtel de M. de Tréville. D’Artagnan marchait entre Athos et Porthos en les étreignant tendrement.

– Si je ne suis pas encore mousquetaire, il a dit à ses nouveaux amis, au moins me voilà reçu apprenti[106], n’est-ce pas?

Cette histoire a fait grand bruit[107]. Le roi Louis XIII lui-même, fier d’avoir ses hommes braves comme ses mousquetaires, les a invités chez lui. D’Artagnan a reçu 40 pistoles du roi pour son courage, et par recommendation du roi il a été placé dans la compagnie des gardes de M. des Essarts[108], le beau-frère de M. de Tréville, parce que ce dernier n’avait pas de place dans les mousquetaires.

Chapitre VI

Les mousquetaires ont décidé de commander un bon repas. Le nouveau laquais de d’Artagnan fourni par Porthos[109] a servi à table. C’était un Picard que le glorieux mousquetaire avait aperçu le jour même sur le pont de la Tournelle, pendant qu’il faisait des ronds en crachant dans l’eau[110]. Porthos avait décidé que cette occupation était la preuve d’une organisation réfléchie et contemplative. Mais Porthos avait son laquais Mousqueton et a proposé ce-là à d’Artagnan.

Ce laquais qui s’appelait Planchet a remercié le Ciel d’être tombé en la possession de d’Artagnan[111].

Athos, de son côté, avait un valet que l’on appelait Grimaud. Il était fort silencieux, ce digne seigneur. Nous parlons d’Athos, bien entendu[112]. Ses compagnons, Porthos et Aramis, ne l’ont jamais entendu rire. Ses paroles étaient brèves. Athos avait à peine trente ans et était d’une grande beauté de corps et d’esprit, mais personne ne lui connaissait de maîtresse[113]. Jamais il ne parlait de femmes. Grimaud lui obéissait sur un simple geste ou sur un simple mouvement des lèvres[114]. Il ne lui parlait que dans des circonstances suprêmes[115].

Porthos avait un caractère tout opposé à celui d’Athos: non seulement il parlait beaucoup, mais il parlait haut[116]. Il avait moins grand air qu’Athos et tâchait de le dépasser par ses splendides toilettes et par les histoires de ses affaires amoureuses.

Un vieux proverbe dit: «Tel maître, tel valet[117].» Mousqueton, le laquais de Porthos, était toujours habillé d’une façon magnifique comme son maître.

Quant à Aramis, il avait l’espérance d’entrer un jour dans les ordres[118]. Il a dit souvent «Je serai abbé s’il me convient; en attendant, je suis mousquetaire.» Ce jeune homme était fier de sa beauté et avait du succès avec les femmes. Son laquais s’appelait Bazin. Il était toujours vêtu de noir, comme doit l’être le serviteur d’un homme d’Église[119]. Sa fidélité était excéptionnelle.

D’Artagnan adorait ses nouveaux amis. Il a considéré Athos comme un Achille, Porthos comme un Ajax, et Aramis comme un Joseph[120].

De leur côté, les trois mousquetaires aimaient fort leur jeune camarade. L’amitié qui unissait ces quatre hommes, et le besoin de se voir trois ou quatre fois par jour, soit pour duel, soit pour affaires, soit pour plaisir, les faisaient sans cesse[121] courir l’un après l’autre comme des ombres; et l’on rencontrait toujours les inséparables[122].

D’Artagnan a été pris comme cadet dans la compagnie des gardes de M. des Essarts selon les promesses de M. de Tréville. Ce dernier lui a dit que le jeune homme deviendrait mousquetaire après un noviciat de deux ans[123] ou s’il ferait quelque action exceptionnelle.

Chapitre VII

Un jour on a frappe doucement à la porte du logement de d’Artagnan. C’était un bourgeois de mine assez simple[124]. Ce bourgeois, qu’on appelé Bonacieux, était le propriétaire de l’appartement de d’Artagnan.

– J’ai entendu parler de M. d’Artagnan comme d’un jeune homme fort brave, a dit le bourgeois, et c’est pourquoi j’ai décide de lui confier un secret.

– Parlez, monsieur, lui a répondu d’Artagnan.

– Ma femme qui est lingère chez la reine, monsieur, a été enlevée hier matin, comme elle sortait de sa chambre de travail.

– Et par qui votre femme a-t-elle été enlevée?

– Je n’en sais rien sûrement[125]. Mais je soupçonne un homme qui la poursuivait depuis longtemps.

– Diable!

– Je crois donc que ma femme a été arrêtée à cause des affaires amoureuses d’une plus grande dame qu’elle.

– De Mme de Bois-Tracy? a dit d’Artagnan. Il voulait avoir l’air du connaisseur des affaires de la cour[126].

– Plus haut, beaucoup plus haut!

– De la… s’est arrêté d’Artagnan. Il a pensé de la reine Anne d’Autriche.

– Oui, monsieur, a répondu le bourgeois épouvanté.

– Mais avec qui?

– Avec qui cela peut-il être, si ce n’est avec le duc de…[127]

– Le duc de Buckingham…

– La reine croit qu’on a écrit à M. le duc de Buckingham en son nom pour le faire venir à Paris et pour l’attirer dans quelque piège[128]. On connaît que ma femme est dévouée à la reine. On veut soit l’éloigner de sa maîtresse, soit apprendre tous ses secrets.

– C’est probable, a dit d’Artagnan, mais l’homme qui l’a enlevée, le connaissez-vous?

– Je sais seulement qu’il sert le cardinal. C’est un haut gentilhomme, il a une cicatrice à la tempe[129].

– Une cicatrice à la tempe! s’est écrié d’Artagnan, c’est mon homme de Meung!

– C’est votre homme, dites-vous?

– Oui! Je ferai d’un coup deux vengeances[130]. Mais où je trouverai cet homme?

– Je sais seulement que ma femme a disparu près du Louvre. De plus, cet homme a laissé une lettre.

Le bourgeois lui a donné une lettre.

«Ne cherchez pas votre femme, a lu d’Artagnan, si vous faites une seule démarche pour la retrouver, vous êtes perdu[131]

Mais tout à coup, Bonacieux a vu un homme en face des fenêtres, un homme enveloppé dans un manteau[132].

– Mais… Voilà lui, cet homme inconnu!

D’Artagnan l’a vu et a crié:

– C’est lui! Cette fois-ci, il ne m’échappera pas.

Avec ces mots il s’est précipité hors de l’appartement.

Chapitre VIII

Mais d’Artagnan n’a pas réussi à trouver son homme de Meung. Déçu, il est rentré à son appartement. Ses amis l’y attendaient.

Et alors il a raconté mot à mot[133] à ses amis ce qui venait de se passer entre lui et son hôte, et comment l’homme qui avait enlevé la femme du digne bourgeois était son ennemi personnel, l’homme de Meung.

– Ce n’est point de Mme Bonacieux que je m’inquiète, a dit d’Artagnan, mais de la reine. Si je savais où est le duc de Buckingham, je voudrais le prendre par la main et le conduire près de la reine, pour faire enrager M. le cardinal[134]; car notre véritable, notre seul, notre éternel ennemi, messieurs, c’est le cardinal.

– Et, a dit Athos, le bourgeois vous a dit, d’Artagnan, que la reine pensait qu’on avait fait venir Buckingham à Paris?

– Elle en a peur[135], a dit d’Artagnan, maintenant je crois, que l’enlèvement de cette femme de la reine se rattache à la présence de M. de Buckingham à Paris.

– Le Gascon est plein d’idées, a dit Porthos avec admiration.

– Je voudrais vous raconter une histoire, a dit soudainement Aramis, hier j’ai été chez un savant docteur en théologie que je consulte pour mes études[136]. Quand je sortais de chez lui…

Ici Aramis s’est arrêté comme un homme qui, en plein courant de mensonge[137], se voit arrêter par quelque obstacle imprévu[138].

– Ce docteur a une nièce, a continué Aramis.

Ses amis se sont mis à rire.

– Je devais la conduire à son carrosse.

– Ah! elle a un carrosse, la nièce du docteur? l’a interrompu Porthos.

– Vous êtes fort indiscret[139], Porthos, a dit Aramis. Il continuait: Tout à coup, un gentilhomme grand et brun, tout comme le vôtre, d’Artagnan, s’est approché de moi. Il nous a demandé de le suivre.