Читать книгу «l’Amour Comme Ci » онлайн полностью📖 — Sophie Love — MyBook.

« Je suis Orin », dit-il. « Je suis le propriétaire du Saint Paddy. Je vis ici aussi. Et c’est pour vous. » Tout à coup, une pinte de Guinness fut posée sur le bar en face de Keira. « Un accueil traditionnel du Saint Paddy. »

Keira fut prise de court. « Je ne suis pas tellement une buveuse », dit-elle en riant.

Orin lui jeta un coup d’œil. « Vous l’êtes pendant que vous êtes dans le comté de Clare, ma fille ! Vous êtes là pour vous laisser aller tout comme le reste des habitants. Et de toute façon, nous devons trinquer à votre bon voyage ! Merci à la Vierge Marie. » Il fit un signe de croix sur sa poitrine.

Keira se sentit un peu timide en acceptant la Guinness et en prenant une gorgée du liquide fort et crémeux. Elle n’avait jamais goûté de Guinness auparavant et la saveur ne lui était pas particulièrement agréable. Après seulement une gorgée, elle fut certaine qu’elle ne serait pas capable de finir la pinte entière.

« Tout le monde », cria Orin aux clients du pub, « c’est le reporter américain ! »

Keira ne savait plus où se mettre, alors que tout le pub se retournait et commençait à applaudir, à pousser des acclamations comme si elle était une sorte de célébrité.

« Nous sommes tellement excités que vous soyez ici ! », dit une femme aux cheveux frisés. Elle se pencha un peu trop près et sourit un peu trop largement au goût de Keira. Puis, d’une voix plus basse, elle ajouta : « Il se pourrait que vous vouliez essuyer votre moustache de Guinness. »

Sentant ses joues brûler d’embarras, Keira essuya rapidement la mousse de sa lèvre supérieure. Une seconde plus tard, une autre des clientes du pub se fraya un passage, jouant des coudes avec d’autres sur son chemin — sans que personne ne semble s’en soucier. Elle renversa un peu de son verre quand elle trébucha. « J’ai hâte de lire votre texte ! »

« Oh, merci », dit Keira en haussant les épaules. Il ne lui était pas venu à l’esprit que les personnes locales voudraient lire ce qu’elle avait écrit à leur sujet. Cela pourrait rendre toute cette approche cynique un peu plus difficile à trouver.

« Alors qu’est-ce qui vous a donné envie d’être journaliste ? », dit l’homme à côté d’elle.

« Je ne suis qu’une chroniqueuse », dit Keira en rougissant, « pas un reporter. »

« Juste une chroniqueuse ? », s’exclama l’homme, qui parlait fort et cherchait à attirer l’attention des autres autour de lui. « Vous entendez ça ? Elle dit qu’elle est juste une chroniqueuse. Eh bien, je peux à peine tenir un stylo, donc vous êtes un génie en ce qui me concerne. »

Tout le monde rit. Keira but nerveusement de petites gorgées de Guinness. L’hospitalité irlandaise était plus que la bienvenue, mais c’était aussi un choc culturel, et elle se surprit à avoir un mouvement de recul, en pensant à la myriade de façons dont elle pouvait étriller cet endroit dans son article.

« Je vais vous montrer votre chambre », dit finalement Orin, une fois qu’elle eut réussi à boire presque la moitié de la pinte de Guinness.

Elle le suivit dans un étroit escalier grinçant et le long d’un couloir au tapis élimé qui sentait fortement la poussière. Keira marcha silencieusement et prit tout cela en note, construisant des phrases cinglantes dans sa tête tout en observant le décor suranné. Les murs étaient décorés de photographies décolorées et encadrées d’anciennes équipes de football locales, et Keira sourit quand elle vit que la majorité des joueurs partageaient le même nom de famille, O’Sullivan. Elle prit une photo discrète de l’équipe de football en noir et blanc et l’envoya à Zach avec la légende : M. O’Sullivan a dû être un reproducteur prolifique.

« Voilà », dit Orin en ouvrant une porte, puis il la fit entrer.

La chambre était horrible. Bien que grande, avec un lit double et une énorme fenêtre, elle était affreusement décorée. Le papier peint était en quelque sorte couleur pêche, taché par endroits comme s’il avait été marqué par des années d’empreintes de mains sales. Le lit était recouvert d’une mince couette, qui était matelassée mais pas de la manière engageante d’une maison de campagne, plutôt comme la naufragée d’un magasin de fripes.

« C’est la chambre avec le bureau », dit Orin, souriant avec fierté, et il désigna un petit bureau en bois sous la fenêtre. « Pour quand vous écrirez. »

Keira rougit. Elle était intérieurement horrifiée à l’idée de rester dans la pièce crasseuse pendant un mois entier, mais elle réussit à articuler un reconnaissant, « Merci ». Voilà pour avoir pensé qu’elle pourrait faire contre mauvaise fortune bon cœur pendant un mois !

« Voulez-vous prendre un peu de temps pour vous installer avant de rencontrer Shane ? », demanda Orin.

Keira fronça les sourcils, confuse. « Qui est Shane ? »

« Shane Lawder. Votre guide touristique. Pour le festival », expliqua Orin.

« Bien sûr », dit Keira, en se souvenant que dans ses notes Heather avait mentionné qu’il y aurait un guide touristique. « Oui, s’il vous plaît, j’aimerais rencontrer Shane. » Elle n’avait aucune envie de passer une minute de plus dans la pièce, aussi laissa-t-elle tomber son sac sur le lit et redescendit l’escalier grinçant.

« Shane ! », cria Orin en reprenant son poste derrière le bar.

À la surprise de Keira, ce fut le violoniste qui répondit. Il posa son instrument – bien que le groupe de musiciens avec lequel il jouait continua comme si de rien n’était – et approcha.

Sous sa barbe hirsute, Keira pouvait voir qu’il avait une mâchoire ciselée. En fait, s’il n’y avait pas eu les cheveux, qui avaient désespérément besoin d’être coupés, et les vêtements dépenaillés, Shane aurait plutôt été beau. Keira se sentit coupable d’avoir pensé une telle chose, d’autant plus qu’avec Zach la situation était délicate et précaire en ce moment, mais elle pensa à la devise de Bryn : Il n’y rien de mal à regarder.

« Vous ne ressemblez pas beaucoup à un Joshua », dit Shane en lui serrant la main.

« Oh, personne ne vous l’a dit ? », dit Keira. « Quelque chose est arrivé et j’ai été envoyée à la place. Désolée pour ça. »

Shane lui lança un regard impertinent. « De quoi vous excusez-vous ? Je préférerais de beaucoup passer trente jours avec une belle femme comme vous. Sans vouloir offenser ce Joshua, je suis sûr qu’il est assez attirant, mais il n’a pas l’air d’être mon type. Vous voyez, comme c’est un homme et tout. »

Keira déglutit. Elle ne s’était pas attendue à ce que les hommes irlandais soient aussi directs. Mais elle se souvint de Zach et répéta le mantra dans sa tête, qu’elle ne faisait que regarder.

Alors que Shane prenait un tabouret à côté d’elle, Orin plaça une Guinness devant chacun d’eux. Keira gémit silencieusement. Elle ne pouvait pas supporter autant d’alcool !

Shane prit une grande gorgée dans son verre, puis étala quelques documents sur le bar.

« Le Festival de l’Amour dure trente jours », expliqua-t-il. « La plupart des activités ne commencent pas avant le soir, alors j’ai préparé un itinéraire des endroits que nous pouvons visiter pendant que vous êtes ici, afin que vous puissiez avoir une meilleure idée du pays dans son ensemble. Nous commencerons par le Burren pour la montagne, puis les falaises de Moher pour voir l’océan, puis nous irons dans le comté voisin, Kerry, à la belle vieille demeure d’époque de Killarney, puis vers Dingle. »

« Je pensais que vous me guidiez seulement pour le festival », dit Keira. « Pas à travers tout le pays ! »

« Vous allez devenir folle si vous ne vous éloignez pas un peu de Lisdoonvarna pendant la journée », expliqua Shane. « Tous les groupes de personnes qui vont et viennent, ça devient un peu trop. »

Keira rit silencieusement dans sa barbe. Elle doutait sérieusement que Lisdoonvarna fût aussi trépidante pendant le festival que New York l’était tous les jours.

« Il y a beaucoup d’alcool », poursuivit Shane. « Certaines fêtes continuent jusqu’au petit matin. Je dis quelques-unes, mais en réalité c’est la majorité. »

Keira pensa aux participants chahuteurs à l’enterrement de vie de garçon avec lesquels elle avait partagé le vol et se demanda si elle allait dormir au cours du mois à venir.

« Ça a l’air génial », dit-elle en jetant un coup d’œil au programme. « Mais j’aurai besoin de temps chaque jour pour écrire. Ça ne peut pas être qu’une partie de plaisir. »

Shane lui sourit. « Vous venez tout juste d’arriver ici et vous pensez déjà au travail ? »

« Je le dois », expliqua Keira. « C’est vraiment important pour moi. Je ne veux pas tout gâcher. »

« Et ne pas tout gâcher veut dire ne pas se laisser aller ? »

Keira n’était pas d’humeur à être remise en cause sur ses choix de vie. Elle en avait eu assez de la part de Zach et sa mère.

« Cela signifie simplement prendre du temps chaque jour pour écrire », réfuta-t-elle, un peu agacée.

L’expression de Shane conserva son sourire amusé. Il prit une langoureuse gorgée de sa pinte. « Vous êtes une de celles du genre collet monté, non ? », plaisanta-t-il. « À travailler sans arrêt sans se détendre. »

Keira lui lança un regard impassible. « Je ne sais pas comment vous pouvez prétendre savoir quoi que ce soit sur moi », dit-elle. « Vous me connaissez depuis cinq minutes. »

Shane ne cessait de sourire. Il ne répondit pas, comme si la dispute était déjà réglée.

Keira se tendit. Il était beau, c’était vrai, mais s’il continuait comme ça, il allait finir par l’agacer. Elle ne savait pas si elle pouvait supporter trente jours de taquineries, de boissons et ne pas avoir d’espace pour écrire.

Peut-être que cette mission allait être plus difficile qu’elle ne l’avait prévu.

*

Keira parvint finalement à s’éclipser à minuit. Elle avait perdu le compte du nombre de Guinness qu’Orin et Shane avaient bu, mais heureusement pour elle ils avaient arrêté d’essayer de la persuader de les suivre. Malgré tout, sa tête lui tournait un peu tandis qu’elle montait les escaliers vers sa chambre.

Elle ferma la porte, mais le bruit de la musique et des réjouissances en bas ne cessa pas. Keira se sentait tendue, comme si elle était trop comprimée. Elle regarda son téléphone, mais constata qu’il n’y avait aucun message de Zach. Il avait assurément eu le temps de les lire maintenant. Ce qui signifiait qu’il lui réservait un silence complet. Quelle maturité, pensa Keira.

Au moins, elle avait reçu des réponses de Nina et Bryn, qui posaient une myriade de questions. Elle envoya un message à Nina – qui allait éditer l’article – pour lui dire que son programme était rempli à ras bord, et de ne pas s’attendre à un quelconque travail pendant un moment. À Bryn, elle envoya une brève description des caractéristiques physiques de Shane et quelques émojis flamme.

Il est casse-pieds, par contre. Un de ces types arrogants qui pense que c’est attachant de te taquiner.

La réponse de Bryn ne se fit pas attendre. C’est attachant.

Keira rit et rangea son téléphone. La musique au rez-de-chaussée allait certainement la garder éveillée pendant quelques heures, alors elle pouvait aussi bien passer du temps sur son ordinateur. Elle le sortit de son sac et commença à rédiger un mail à Elliot avec certaines de ses premières idées pour aborder l’article. Grâce à toutes les Guinness, elle se retrouva capable d’adopter un ton encore plus sarcastique qu’elle ne l’avait anticipé.

Si vous vous êtes déjà demandé quelle odeur avait de la Guinness éventée incrustée dans un tapis depuis des décennies, alors ne cherchez pas plus loin que le Saint Paddy’s Inn à Lisdoonvarna, dans le Comté de Clare. En tant qu’Américaine exotique, mon arrivée a provoqué une étouffante effusion d’hospitalité irlandaise. Je dis étouffante, parce que refuser les offres de copieuses quantités d’alcool n’était tout simplement pas une option, d’où l’odeur de Guinness éventée mentionnée précédemment qui imprègne chaque centimètre carré de ce tripot crasseux et sombre. En fait, l’endroit est tellement imprégné de Guinness que les tapis, rideaux et papiers peints sont tous collants au toucher. Disons juste que je ne serai pas surprise si l’eau de ma douche matinale (dans la salle de bains démodée attenante) était noire et mousseuse…

Elle poursuivit sur le même ton sarcastique. Elle savait qu’il était méchant de critiquer le B&B et les gens amicaux qu’elle avait rencontrés jusqu’à présent, mais elle ne pouvait simplement pas s’en empêcher.

Elle termina et appuya sur envoyer. Elliot répondit presque immédiatement par un mail élogieux.

Continuez comme ça, Keira. C’est de l’or !

Juste à ce moment, le téléphone de Keira sonna. C’était Bryn. Keira soupira, réalisant qu’elle n’allait pas travailler plus ce soir-là. Elle referma son ordinateur portable et prit l’appel, tout en grimpant dans son lit.

« Quoi de neuf ? », demanda-t-elle à sa sœur.

« J’ai juste eu rendez-vous raté », expliqua Bryn. « Alors j’ai pensé que j’allais t’appeler pour avoir les dernières informations sur ce guide touristique bien foutu. »

Keira rit. « Eh bien, il a trop de cheveux. Et son sens de la mode est nul. Mais avec un peu d’effort il serait bien. »

« Je pense que tu devrais te lancer », dit Bryn.

Keira poussa une exclamation, surprise par l’impertinence de Bryn, même pour elle. « Et Zach ! », dit-elle en riant.

« Qu’en est-il de lui ? », répondit Bryn avec dédain.

Keira grommela. « C’est mon petit-ami », rappela-t-elle à Bryn. « Et même si Shane se faisait couper les cheveux et avait une toute nouvelle garde-robe, je ne pourrais pas passer plus de cinq minutes en sa compagnie avant de l’étrangler. »

Bryn rit. « Ça va rendre les prochaines semaines un peu difficiles, non ? »

« Ça et le fait que ma chambre se trouve au-dessus d’un pub qui ne semble pas avoir d’heure de fermeture et un groupe folk qui joue vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. »

« Ça a l’air incroyable », la contredit Bryn. « Bon sang, Keira, tu travailles tellement que tu ne peux même pas voir dans quelle situation excitante tu te trouves ! Tu viens de me dire que la fête ne s’arrête jamais avec un grognement. »

« Tu parles comme Shane », répondit Keira. « Si je ne veux pas boire, danser et être joyeuse, je n’ai pas à le faire ! »

Bryn et elle mirent fin à leur conversation, et Keira se rendit compte que, malgré tout le bruit qui venait d’en bas, elle était à peine capable de garder les yeux ouverts. Alors elle s’installa sous la fine couverture et posa la tête sur l’oreiller grumeleux. Il n’y avait toujours aucune réponse de Zach à ses messages pleins d’humour. Elle essaya de l’appeler mais le téléphone sonna juste dans le vide.

Elle consulta Instagram et vit des photos de Zach au mariage de Ruth. Il était magnifique dans son costume, mais il paraissait si seul. Il semblait gêné de se tenir là sans personne, et elle se sentit mal de ne pas être là avec lui. Peut-être que sa mère avait eu un peu raison. Manifestement, assister aux mariages en solitaire était très embarrassant.

Alors qu’elle commençait à s’endormir, Keira se mit à rêver qu’elle était là-bas, au mariage, avec Zach. Seulement ce n’était pas Zach, c’était Shane, rasé et vêtu d’un costume élégant. Il était plus beau que ce à quoi elle s’était attendue.

Keira se réveilla en sursaut. Les choses étaient déjà assez compliquées sans qu’elle ne développe un faible pour son guide !

Elle chassa toutes ces pensées de son esprit et, finalement, tomba dans un profond sommeil.

1
...