Княжна испуганно взглядывала на близко от нее блестящие глаза отца; красные пятна переливались по ее лицу, и видно было, что она ничего не понимает и так боится, что страх помешает ей понять все дальнейшие толкования отца, как бы ясны они ни были. Виноват ли был учитель, или виновата была ученица, но каждый день повторялось одно и то же: у княжны мутилось в глазах, она ничего не видела, не слышала, только чувствовала близко подле себя сухое лицо строгого отца, чувствовала его дыхание и запах и только думала о том, как бы ей уйти поскорее из кабинета и у себя на просторе понять задачу. Старик выходил из себя: с грохотом отодвигал и придвигал кресло, на котором сам сидел, делал усилия над собой, чтобы не разгорячиться, и почти всякий раз горячился, бранился, а иногда швырял тетрадью.
Княжна ошиблась ответом.
– Ну, как же не дура! – крикнул князь, оттолкнув тетрадь и быстро отвернувшись, но тотчас же встал, прошелся, дотронулся руками до волос княжны и снова сел.
Он придвинулся и продолжал толкование.
– Нельзя, княжна, нельзя, – сказал он, когда княжна, взяв и закрыв тетрадь с заданными уроками, уже готовилась уходить, – математика великое дело, моя сударыня. А чтобы ты была похожа на наших глупых барынь, я не хочу. Стерпится – слюбится. – Он потрепал ее рукой по щеке. – Дурь из головы выскочит.
Она хотела выйти, он остановил ее жестом и достал с высокого стола новую, неразрезанную книгу.
– Вот еще какой-то Ключ таинства тебе твоя Элоиза посылает. Религиозная. А я ни в чью веру не вмешиваюсь… Просмотрел. Возьми. Ну, ступай, ступай!
Он потрепал ее по плечу и сам запер за нею дверь.
Княжна Марья возвратилась в свою комнату с грустным, испуганным выражением, которое редко покидало ее и делало ее некрасивое, болезненное лицо еще более некрасивым, села за свой письменный стол, уставленный миниатюрными портретами и заваленный тетрадями и книгами. Княжна была столь же беспорядочна, как отец ее порядочен. Она положила тетрадь геометрии и нетерпеливо распечатала письмо. Письмо было от ближайшего с детства друга княжны; друг этот была та самая Жюли Карагина, которая была на именинах у Ростовых.
Жюли писала:
“Chère et excellente amie, quelle chose terrible et effrayante que l'absence! J'ai beau me dire que la moitié de mon existence et de mon bonheur est en vous, que malgré la distance que nous sépare, nos cœurs sont unis par des liens indissolubles; le mien se révolte contre la destinée, et je ne puis, malgré les plaisirs et les distractions qui m'entourent, vaincre une certaine tristesse cachée que je ressens au fond du cœur depuis notre séparation. Pourquoi ne sommes-nous pas réunies, comme cet été dans votre grand cabinet sur le canapé bleu, le canapé à confidences? Pourquoi ne puis-je, comme il y a trois mois, puiser de nouvelles forces morales dans votre regard si doux, si calme et si pénétrant, redard que j'aimais tant et que je crois vior devant moi, quand je vous écris?”[223]
Прочтя до этого места, княжна Марья вздохнула и оглянулась в трюмо, которое стояло направо от нее. Зеркало отразило некрасивое, слабое тело и худое лицо. Глаза, всегда грустные, теперь особенно безнадежно смотрели на себя в зеркало. “Она мне льстит”, – подумала княжна, отвернулась и продолжала читать. Жюли, однако, не льстила своему другу: действительно, глаза княжны, большие, глубокие и лучистые (как будто лучи теплого света иногда снопами выходили из них), были так хороши, что очень часто, несмотря на некрасивость всего лица, глаза эти делались привлекательнее красоты. Но княжна никогда не видела хорошего выражения своих глаз, того выражения, которое они принимали в те минуты, когда она не думала о себе. Как и у всех людей, лицо ее принимало натянуто-неестественное, дурное выражение, как скоро она смотрелась в зеркало. Она продолжала читать:
“Tout Moscou ne parle que guerre. L'un de mes deux frères est déjà à l'etranger, l'autre est avec la garde, qui se met en marche vers la frontière. Notre cher empereur aquitté Pétersbourg et, à ce qu'on prétend, compte lui-même exposer sa précieuse existence aux chances de la guerre. Dieu veuille que le monstre corsicain, qui détruit le repos de l'Europe, soit terrassé par l'ange que le tout-puissant, dans sa miséricorde, nous a donné pour souverain. Sans parler de mes frères, cette guerre m'a privée d une relation des plus chères à mon cœur. Je parle du jeune Nicolas Rostoff, qui avec son enthousiasme n'a pu supporter l'inaction et a quitté l'université pour aller s'enroler dans l'armée. Eh bien, chère Marie, je vous avouerai, que, malgré son extrême jeunesse, son départ pour l'armée a été, un grand chagrin pour moi. Le jeune homme, dont je vous parlais cet été, a tant de noblesse, de véritable jeunesse qu'on rencontre si rarement dans le siècle ou nous vivons parmi nos vieillards de vingt ans. Il a surtout tant de franchise et de cœur. Il est tellement pur et poétique, que mes relations avec lui, quelque passagères qu'elles fussent, ont été l'une des plus douces jouissances de mon pauvre cœur, qui a déjà tant souffert. Je vous raconterai un jour nos adieux et tout ce qui s'est dit en partant. Tout cela est encore trop frais. Ah! chère amie, vous êtes heureuse de ne pas connaître ces jouissances et ces peines si poignantes. Vous êtes heureuse, puisque les dernières – sont ordinairement les plus fortes! Je sais fort bien, que le comte Nicolas est trop jeune pour pouvoir jamais devenir pour moi quelque chose de plus qu'un ami, mais cette douce amitié, ces relations si poétiques et si pures ont été un besoin pour mon cœur. Mais n'en parlons plus. La grande nouvelle du jour qui occupe tout Moscou est la mort du vieux comte Безухов et son héritage. Figurez-vous que les trois princesses n'ont reçu que très peu de chose, le prince Basile rien, est que c'est M. Pierre qui a tout hérité, et qui par-dessus le marché a été reconnu pour fils légitime, par conséquent comte Безухов et possesseur de la plus belle fortune de la Russie. On prétend que le prince Basile ajoué un très vilain rôle dans toute cette histoire et qu'il est reparti tout penaud pour Pétersbourg.
Je vous avoue, que je comprends très peu toutes ces affaires de legs et de testament; ce que je sais, c'est que depuis que le jeune homme que nous connaissions tous sous le nom de M. Pierre tout court est devenu comte Безухов et possesseur de l'une des plus grandes fortunes de la Russie. Je m'amuse fort à observer les changements de ton et des maselles elles-mêmes à l'égard de cet individu, gui, par parentnières des mamans accablées de filles à marier et des demoi hèse, m'a paru toujours être un pauvre sire. Comme on s'amuse depuis deux ans à me donner des promis que je ne connais pas le plus souvent, la chronique matrimoniale de Moscou me fait comtesse Безуховой. Mais vous sentez bien que je ne me soucie nullement de le devenir. A propos de mariage, savez-vous que tout dernièrement la tante en général Анна Михайловна m'a confié sous le sceau du plus grand secret un projet de mariage pour vous. Ce n'est ni plus ni moins, que le fils du prince Basile, Anatole, qu'on voudrait ranger en le mariant à une personne riche et distinguée, et c'est sur vous qu'est tombé le choix des parents. Je ne sais comment vous envisagerez la chose, mais j'ai cru de mon devoir de vous en avertir. On le dit très beau et très mauvais sujet; c'est tout ce que j'ai pu savoir sur son compte.
Mais assez de bavardage comme cela. Je finis mon second feuillet, et maman me fait chercher pour aller dîner chez les Apraksines. Lisez le livre mystique que je vous envoie et qui fait fureur chez nous. Quoiqu'il y ait des choses dans ce livre difficiles à atteindre avec la faible conception humaine, c'est un livre admirable dont la lecture calme et élève l'âme. Adieu. Mes respects à monsieur votre père et mes compliments à m-elle Bourienne. Je vous embrasse comme je vous aime.
Julie.
P.S. Donnez-moi des nouvelles de votre frère et de sa charmante petite femme”[224].
Княжна подумала, задумчиво улыбнулась (причем, лицо ее, освещенное лучистыми глазами, совершенно преобразилось) и, вдруг приподнявшись, тяжело ступая, перешла к столу. Она достала бумагу, и рука ее быстро начала ходить по ней. Так писала она в ответ:
“Chère et excellente amie. Votre lettre du 13m’a causé une grandejoie. Vous m’aimez dans toujours, ma poétique Julie. L’absence, dont vous dites tant de mal, n’a donc pas eu son influence, habituelle sur vous. Vous vous plaignez de l’absence – que devrai-je dire moi si j'osais me plaindre, privée de tous ceux qui me sont chers? Ah! si nous n’avions pas la réligion pour nous consoler, la vie serait bien triste. Pourquoi me supposez vous un regard sévère, quand vous me parlez de votre affection pour le jeune homme? Sous ce rapport je ne suis rigide que pour moi. Je comprends ces sentiments chez les autres et sije ne puis approuver ne les ayant jamais ressentis, je ne les condamne pas. Il me paraît seulement que l'amour chrétien, l'amour du prochain, l'amour pour ses ennemis est plus méritoire, plus doux et plus beau, que ne le sont les sentiments que peuvent inspirer les beaux yeux d'un jeune homme à une jeune fille poétique et aimante comme vous.
La nouvelle de la mort du comte Безухов nous est parvenue avant votre lettre, et mon père en a été très affecté. Il dit que c'était l'avant-dernier représentant du grand siècle, et qu'à présent c'est son tour; mais qu'il fera son possible pour que son tour vienne le plus tard possible. Que dieu nous garde de ce terrible malheur! Je ne puis partager votre opinion sur Pierre que j'ai connu enfant. Il me paraissait toujours avoir un cœur excellent, et c'est la qualité que j'estime le plus dans les gens. Quant à son héritage et au rôle qu'y a joué le prince Basile, c'est bien triste pour tous les deux. Ah! chère amie, la parole de notre divin Sauveur qu'il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est a un riche d'entrer dans le royaume de dieu, cette parole est terriblement vraie; je plains le prince Basile et je regrette encore davantage Pierre. Si jeune et accablé de cette richesse, que de tentations n'aura-t-il pas à subir! Si on me demandait ce que je désirerais le plus au monde, ce serait d'être plus pauvre que le plus pauvre des mendiants. Mille grâces, chère amie, pour l'ouvrage que vous m'envoyez, et qui fait si grande fureur chez vous. Cependant, puisque vous me dites qu'au milieu de plusieurs bonnes choses il y en a d'autres que la faible conception humaine, ne peut atteindre, il me paraît assez inutile de s'occuper d'une lecture inintelligible; qui par là même, ne pourrait être d'aucun fruit. Je n'ai jamais pu comprendre la passion qu'ont certaines personnes de s'embrouiller l'entendement, en s'attachant à des livres mystiques, qui n'élèvent que des doutes dans leurs esprits, exaltent leur imagination et leur donnent un caractère d'exagération tout-à-fait contraire à la simplicité chrétienne. Lisons les apôtres et l'evangile. Ne cherchons pas à pénétrer ce que ceux-là renferment de mystérieux, car, comment oserions-nous, misérables pécheurs que nous sommes, prétendre à nous initier dans les secrets terribles et sacrés de la providence, tant que nous portons cette dépouille charnelle, qui élève entre nous et l'eternel un voile impénétrable? Bornons-nous dons à étudier les principes sublimes que notre divin sauveur nous a laissé pour notre conduite ici-bas; cherchons à nous y conformer et à les suivre, persuadons-nous que moins nous donnons d'essor à notre faible esprit humain et plus il est agréable à dieu, qui rejette toute science ne venant pas de lui; que moins nous cherchons à approfondir ce qu'il lui a plu de dérober nous en accordera à notre connaissance, et plutôt il nous en accordera la decouverte par son divin esprit.
Mon père ne m'a pas parlé du pretendant, mais il m'a dit seulement qu'il a reçu une lettre et attendait une visite du prince Basile. Pour ce qui est du projet de mariage qui me regarde, je vous dirai, chère et excellente amie, que le mariage, selon moi, est une institution divine à laquelle il faut se conformer. Quelque pénible que cela soit pour moi, si le tout-puissant m'impose jamais les devoirs d'épouse et de mère, je tâcherai de les remplir aussi fidèlement que je le pourrai, sans m'inquiéter de l'examen de mes sentiments à l'egard de celui qu'il me donnera pour époux.
J'ai reçu une lettre de mon frère, qui m'annonce son arrivée à Лысые Горы avec sa femme. Ce sera une joie de courte durée, puisqu'il nous quitte pour prendre part à cette malheureuse guerre, à laquelle nous sommes entraînés dieu sait comment et pourquoi. Non seulement chez vous au centre des affaires et du monde on ne parle que de guerre, mais ici, au millieu de ces travaux champêtres et de ce calme de la nature que les citadins se représentent ordinairement à la campagne, les bruits de la guerre se font entendre et sentir péniblement. Mon père ne parle que marche et contremarche, choses auxquelles je ne comprends rien; et avant-hier en faisant ma promenade habituelle dans la rue du village, je fus témoin d'une scène déchirante… C'etait un convoi des recrues enrolés chez nous et expédiés pour l'armée… Il fallait voir l'état dans lequel se trouvaient les mères, les femmes, les enfants des hommes qui partaient et entendre les sanglots des uns et des autres! On dirait que l'humanité a oublié les lois de son divin sauveur, qui prêchait l'amour et le pardon des offenses, et qu'elle fait consister son plus grand mérite dans l'art de s'entretuer.
Adieu, chère et bonne amie, que notre divin sauveur et sa très sainte mère vous aient en leur sainte et puissante garde.
Marie”[225].
– Ah, vous expédiez le courrier, princesse, moi j'ai déjà expédié le mien. J ai écris à ma pauvre mère[226], – заговорила быстро-приятным, сочным голоском улыбающаяся m-lle Bourienne, картавя на р и внося с собой в сосредоточенную, грустную и пасмурную атмосферу княжны Марьи совсем другой, легкомысленно-веселый и самодовольный мир.
– Princesse, il faut que je vous prévienne, – прибавила она, понижая голос, – le prince a eu une altercation, – altercation, – сказала она, особенно грассируя и с удовольствием слушая себя, – une altercation avec Michel Ivanoff. Il est de très mauvaise humeur, très morose. Soyez prévenue, vous savez…[227]
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