Читать книгу «Ainsi Parlait Zarathoustra» онлайн полностью📖 — Фридриха Вильгельма Ницше — MyBook.
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DE LA CHASTETÉ

J'aime la forêt. Il est difficile de vivre dans les villes: ceux qui sont en rut y sont trop nombreux.

Ne vaut-il pas mieux tomber entre les mains d'un meurtrier que dans les rêves d'une femme ardente?

Et regardez donc ces hommes: leur oeil en témoigne – ils ne connaissent rien de meilleur sur la terre que de coucher avec une femme.

Ils ont de la boue au fond de l'âme, et malheur à eux si leur boue a de l'esprit!

Si du moins vous étiez une bête parfaite, mais pour être une bête il faut l'innocence.

Est-ce que je vous conseille de tuer vos sens? Je vous conseille l'innocence des sens.

Est-ce que je vous conseille la chasteté? Chez quelques-uns la chasteté est une vertu, mais chez beaucoup d'autres elle est presque un vice.

Ceux-ci sont continents peut-être: mais la chienne Sensualité se reflète, avec jalousie, dans tout ce qu'ils font.

Même dans les hauteurs de leur vertu et jusque dans leur esprit rigide, cet animal les suit avec sa discorde.

Et avec quel air gentil la chienne Sensualité sait mendier un morceau d'esprit, quand on lui refuse un morceau de chair.

Vous aimez les tragédies et tout ce qui brise le coeur? Mais moi je suis méfiant envers votre chienne.

Vous avez des yeux trop cruels et, pleins de désirs, vous regardez vers ceux qui souffrent. Votre lubricité ne s'est-elle pas travestie pour s'appeler pitié?

Et je vous donne aussi cette parabole: ils n'étaient pas en petit nombre, ceux qui voulaient chasser leurs démons et qui entrèrent eux-mêmes dans les pourceaux.

Si la chasteté pèse à quelqu'un, il faut l'en détourner, pour qu'elle ne devienne pas le chemin de l'enfer – c'est à dire la fange et la fournaise de l'âme.

Parlé-je de choses malpropres? Ce n'est pas ce qu'il y a de pire à mes yeux.

Ce n'est pas quand la vérité est malpropre, mais quand elle est basse, que celui qui cherche la connaissance n'aime pas à descendre dans ses eaux.

En vérité, il y en a qui sont chastes jusqu'au fond du coeur: ils sont plus doux de coeur, ils aiment mieux rire et ils rient plus que vous.

Ils rient aussi de la chasteté et demandent: "Qu'est-ce que la chasteté!

La chasteté n'est-elle pas une vanité? Mais cette vanité est venue à nous, nous ne sommes pas venus à elle.

Nous avons offert à cet étranger l'hospitalité de notre coeur, maintenant il habite chez nous, – qu'il y reste autant qu'il voudra!"

Ainsi parlait Zarathoustra.

DE L'AMI

"Un seul est toujours de trop autour de moi," – ainsi pense le solitaire. "Toujours une fois un – cela finit par faire deux!"

Je et Moi sont toujours en conversation trop assidue: comment supporterait-on cela s'il n'y avait pas un ami?

Pour le solitaire, l'ami est toujours le troisième: le troisième est le liège qui empêche le colloque des deux autres de s'abîmer dans les profondeurs.

Hélas! il y a trop de profondeurs pour tous les solitaires. C'est pourquoi ils aspirent à un ami et à la hauteur d'un ami.

Notre foi en les autres découvre l'objet de notre foi en nous-mêmes. Notre désir d'un ami révèle notre pensée.

L'amour ne sert souvent qu'à passer sur l'envie. Souvent l'on attaque et l'on se fait des ennemis pour cacher que l'on est soi-même attaquable.

"Sois au moins mon ennemi!" – ainsi parle le respect véritable, celui qui n'ose pas solliciter l'amitié.

Si l'on veut avoir un ami il faut aussi vouloir faire la guerre pour lui: et pour la guerre, il faut pouvoir être ennemi.

Il faut honorer l'ennemi dans l'ami. Peux-tu t'approcher de ton ami, sans passer à son bord?

En son ami on doit voir son meilleur ennemi. C'est quand tu luttes contre lui que tu dois être le plus près de son coeur.

Tu ne veux pas dissimuler devant ton ami? Tu veux faire honneur à ton ami en te donnant tel que tu es? Mais c'est pourquoi il t'envoie au diable!

Qui ne sait se dissimuler révolte: voilà pourquoi il faut craindre la nudité! Certes, si vous étiez des dieux vous pourriez avoir honte de vos vêtements!

Tu ne saurais assez bien t'habiller pour ton ami: car tu dois lui être une flèche et un désir du Surhumain.

As-tu déjà vu dormir ton ami, – pour que tu apprennes à connaître son aspect? Quel est donc le visage de ton ami? C'est ton propre visage dans un miroir grossier et imparfait.

As-tu déjà vu dormir ton ami? Ne t'es-tu pas effrayé de l'air qu'il avait? Oh! mon ami, l'homme est quelque chose qui doit être surmonté.

L'ami doit être passé maître dans la divination et dans le silence: tu ne dois pas vouloir tout voir. Ton rêve doit te révéler ce que fait ton ami quand il est éveillé.

Il faut que ta pitiié soit une divination: afin que tu saches d'abord si ton ami veut de la pitié. Peut-être aime-t-il en toi le visage fier et le regard de l'éternité.

Il faut que la compassion avec l'ami se cache sous une rude enveloppe, et que tu y laisses une dent. Ainsi ta compassion sera pleine de finesses et de douceurs.

Es-tu pour ton ami air pur et solitude, pain et médicament? Il y en a qui ne peuvent pas se libérer de leur propre chaîne, et pourtant, pour leurs amis, ils sont des sauveurs.

Si tu es un esclave tu ne peux pas être un ami. Si tu es un tyran tu ne peux pas avoir d'amis.

Pendant trop longtemps un esclave et un tyran étaient cachés dans la femme. C'est pourquoi la femme n'est pas encore capable d'amitié: elle ne connaît que l'amour.

Dans l'amour de la femme il y a de l'injustice et de l'aveuglement à l'égard de tout ce qu'elle n'aime pas. Et même dans l'amour conscient de la femme il y a toujours, à côté de la lumière, la surprise, l'éclair et la nuit.

La femme n'est pas encore capable d'amitié. Des chattes, voilà ce que sont toujours les femmes, des chattes et des oiseaux. Ou, quand cela va bien, des vaches.

La femme n'est pas encore capable d'amitié. Mais, dites-moi, vous autres hommes, lequel d'entre vous est donc capable d'amitié?

Malédiction sur votre pauvreté et votre avarice de l'âme, ô hommes! Ce que vous donnez à vos amis, je veux le donner même à mes ennemis, sans en devenir plus pauvre.

Il y a de la camaraderie: qu'il y ait de l'amitié!

Ainsi parlait Zarathoustra.

MILLE ET UN BUTS

Zarathoustra a vu beaucoup de contrées et beaucoup de peuples: c'est ainsi qu'il a découvert le bien et le mal de beaucoup de peuples. Zarathoustra n'a pas découvert de plus grande puissance sur la terre, que le bien et le mal.

Aucun peuple ne pourrait vivre sans évaluer les valeurs; mais s'il veut se conserver, il ne doit pas évaluer comme évalue son voisin.

Beaucoup de choses qu'un peuple appelait bonnes, pour un autre peuple étaient honteuses et méprisables: voilà ce que j'ai découvert. Ici beaucoup de choses étaient appelées mauvaises et là-bas elles étaient revêtues du manteau de pourpre des honneurs.

Jamais un voisin n'a compris l'autre voisin: son âme s'est toujours étonnée de la folie et de la méchancetée de son voisin.

Une table des biens est suspendue au-dessus de chaque peuple. Or, c'est la table de ce qu'il a surmonté, c'est la voix de sa volonté de puissance.

Est honorable ce qui lui semble difficile; ce qui est indispensable et difficile, s'appelle bien. Et ce qui délivre de la plus profonde détresse, cette chose rare et difficile, – est sanctifiée par lui.

Ce qui le fait régner, vaincre et briller, ce qui excite l'horreur et l'envie de son voisin: c'est ce qui occupe pour lui la plus haute et la première place, c'est ce qui est la mesure et le sens de toutes choses.

En vérité, mon frère, lorsque tu auras pris conscience des besoins et des terres d'un peuple, lorsque tu connaîtras son ciel et son voisin: tu devineras aussi la loi qui régit ses victoires sur lui-même, et tu sauras pourquoi c'est sur tel degré qu'il monte à ses espérances.

"Il faut que tu sois toujours le premier et que tu dépasses les autres: ton âme jalouse ne doit aimer personne, si ce n'est l'ami" – ceci fit tremble l'âme d'un Grec et lui fit gravir le sentier de la grandeur.

"Dire la vérité et savoir bien manier l'arc et les flèches" – ceci semblait cher, et difficile en même temps, au peuple d'où vient mon nom – ce nom qui est en même temps cher et difficile.

"Honorer père et mère, leur être soumis jusqu'aux racines de l'âme": cette table des victoires sur soi-même, un autre peuple la suspendit au-dessus de lui et il devint puissant et éternel.

"Être fidèle et, à cause de la fidélité, donner son sang et son honneur, même pour des choses mauvaises et dangereuses": par cet enseignement un autre peuple s'est surmonté, et, en se surmontant ainsi, il devint gros et lourd de grandes espérances.

En vérité, les hommes se donnèrent eux-mêmes leur bien et leur mal. En vérité, ils ne les prirent point, ils ne les trouvèrent point, ils ne les écoutèrent point comme une voix descendue du ciel.

C'est l'homme qui mit des valeurs dans les choses, afin de se conserver, – c'est lui qui créa le sens des choses, un sens humain! C'est pourquoi il s'appelle "homme", c'est-à-dire, celui qui évalue.

Evaluer c'est créer: écoutez donc, vous qui êtes créateurs! C'est leur évaluation qui fait des trésors et des joyaux de toutes choses évaluées.

C'est par l'évaluation que se fixe la valeur: sans l'évaluation, la noix de l'existence serait creuse. Ecoutez donc vous qui êtes créateurs!

Les valeurs changent lorsque le créateur se transforme. Celui qui doit créer détruit toujours.

Les créateurs furent d'abord des peuples et plus tard seulement des individus. En vérité, l'individu lui-même est la plus jeune des créations.

Des peuples jadis suspendirent au-dessus d'eux une table du bien. L'amour qui veut dominer et l'amour qui veut obéir se créèrent ensemble de telles tables.

Le plaisir du troupeau est plus ancien que le plaisir de l'individu. Et tant que la bonne conscience s'appelle troupeau, la mauvaise conscience seule dit: Moi.

En vérité, le moi rusé, le moi sans amour qui cherche son avantage dans l'avantage du plus grand nombre: ce n'est pas là l'origine du troupeau, mais son déclin.

Ce furent toujours des fervents et des créateurs qui créèrent le bien et le mal. Le feu de l'amour et le feu de la colère l'allument au nom de toutes les vertus.

Zarathoustra vit beaucoup de pays et beaucoup de peuples. Il n'a pas trouvé de plus grande puissance sur la terre que l'oeuvre des fervents: "bien" et "mal", voilà le nom de cette puissance.

En vérité, la puissance de ces louanges et de ces blâmes est pareille à un monstre. Dites-moi, mes frères, qui me terrassera ce monstre? Dites, qui jettera une chaîne sur les mille nuques de cette bête?

Il y a eu jusqu'à présent mille buts, car il y a eu mille peuples. Il ne manque que la chaîne des mille nuques, il manque le but unique. L'humanité n'a pas encore de but.

Mais, dites-moi donc, mes frères, si l'humanité manque de but, n'est-elle pas elle-même en défaut?

Ainsi parlait Zarathoustra.

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