Читать книгу «Le Souvenir Zéro» онлайн полностью📖 — Джека Марса — MyBook.
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Une fois que Kozlovsky eut quitté la pièce, le président Harris se tourna vers elle, esquissant son sourire mauvais comme si la conversation qu’elle venait de traduire ne s’était pas produite et qu’il ne s’agissait de rien de plus qu’une formalité. “Merci, Mademoiselle Pavlo,” dit-il sur un ton paternel. “Votre expérience et votre expertise sont appréciables et de grande valeur.”

Peut-être était-ce à cause du choc ou de ce qu’elle venait juste d’apprendre, mais toujours est-il qu’elle se força immédiatement à sourire elle aussi. Ou peut-être était-ce dû à la facilité avec laquelle Harris semblait adopter un comportement aussi poli, alors qu’il savait pertinemment que l’interprète avait entendu chaque mot et les avait en fait répétés à l’autre partie sans rien omettre. Dans tous les cas, Karina se retrouva à sourire et à ouvrir la bouche contre sa volonté. “Merci pour cette opportunité, Monsieur le Président.”

Il sourit à nouveau. Elle n’aimait pas ça, ce sourire. Il n’y avait aucune gaieté dedans. Il était plus mauvais que joyeux. Elle l’avait vu une centaine de fois à la télévision, durant sa campagne. Mais, en personne, il était encore plus étrange à observer. Il lui donnait l’impression qu’il savait quelque chose qu’elle ignorait… ce qui était certainement vrai.

Une alarme retentit dans sa tête. Elle se demanda jusqu’où elle parviendrait à aller si elle le poussait pour s’enfuir. Pas bien loin, songea-t-elle. Elle avait vu au moins six agents des Services Secrets dans les couloirs du sous-sol, et elle était également sûre que le chemin qu’elle avait emprunté pour descendre ici était gardé.

Le président s’éclaircit la gorge. “Vous savez,” lui dit Harris, “il n’y avait personne d’autre dans cette pièce pour une bonne raison. Et je suis sûr que vous imaginez laquelle.” Il gloussa légèrement, comme si la menace mondiale que Karina venait juste d’apprendre était une plaisanterie. “Vous êtes la seule personne au monde à être au courant du contenu de cette conversation. S’il devait fuiter, je saurais de qui ça vient. Et les choses ne se passeraient pas bien pour cette personne.”

Le sourire resta sur le visage de Harris, mais il n’était en aucun cas rassurant.

Elle força ses lèvres à esquisser un sourire gracieux. “Bien sûr, Monsieur. La discrétion est l’une de mes qualités premières.”

Il tendit la main et tapota la sienne. “Je vous crois.”

J’en sais trop.

“Et je suis sûr que vous garderez le silence.”

Il essaie de m’apaiser. Il n’y a aucune chance qu’ils ne me laissent vivre.

“En fait, je suis sûr que j’aurai de nouveau besoin de vos services dans un futur proche.”

Il n’y avait rien que Harris puisse dire pour contrecarrer ses instincts. Le président aurait pu la demander en mariage là, maintenant, que la sensation de chair de poule sur sa nuque qui lui indiquait un danger imminent ne se serait pas dissipée.

Harris se leva et boutonna la veste de son costume. “Venez, je vous raccompagne.” Il sortit en premier de la pièce, et Karina le suivit. Ses genoux étaient flageolants. Elle se trouvait dans l’un des endroits les plus sécurisés de la planète, entourée d’agents entraînés des Services Secrets. Alors qu’ils atteignaient le couloir, elle vit la demi-douzaine d’agents postés là, debout adossés aux murs avec les mains jointes devant eux, pendant qu’ils attendaient le président.

Ou peut-être que c’était elle qu’ils attendaient.

Reste calme.

“Joe.” Harris se dirigea vers l’agent qui l’avait conduite ici depuis la salle d’attente. “Voulez-vous bien vous occuper de raccompagner Mademoiselle Pavlo en toute sécurité à son hôtel ? Prenez notre meilleure voiture.”

“Oui, Monsieur,” dit l’agent en hochant légèrement la tête. Une drôle d’acquiescement, selon elle : un acquiescement de compréhension mutuelle entre eux.

“Merci,” dit-elle aussi gracieusement que possible, “mais je peux prendre un taxi. Mon hôtel n’est pas loin.”

“N’importe quoi,” répondit Harris sur un ton de plaisanterie. “À quoi sert de travailler pour le président si vous ne pouvez pas profiter de quelques avantages ?” Il émit un petit rire. “Merci encore. Ce fut un plaisir de vous rencontrer. À bientôt.”

Ils se serrèrent la main. Son sourire s’attardait, mais ses yeux le trahissaient.

Karina n’avait pas vraiment le choix. Elle suivit l’agent des Services Secrets, le type qui s’appelait Joe (si tel était son vrai prénom), à travers le sous-sol de la Maison Blanche. Tous les muscles de son corps étaient tendus, nerveux, prêts à tout moment à se battre ou à se mettre à courir. Mais, à sa grande surprise, l’agent l’escorta directement vers des marches qu’ils montèrent, puis le long d’un couloir, avant de lui faire finalement passer une porte menant à l’extérieur. Il la guida sans un mot jusqu’à un petit parking sur lequel se trouvait une flotte de véhicules privés, puis il lui ouvrit la porte passager d’un SUV noir.

Ne monte pas.

Elle monta quand même. Si elle se battait maintenant ou essayait de s’enfuir, elle ne parviendrait jamais jusqu’au portail.

Deux minutes plus tard, ils avaient quitté l’enceinte de la Maison Blanche et roulaient sur Pennsylvania Avenue. Il m’emmène quelque part pour le faire. Ils veulent se débarrasser de moi ailleurs. Quelque part où personne ne me retrouvera jamais.

“Vous pouvez me laisser devant le Hilton,” dit-elle d’un ton désinvolte.

L’agent des Services Secrets esquissa un sourire timide. “Nous sommes le gouvernement des USA, Mademoiselle Pavlo. Nous savons où vous séjournez.”

Elle émit un petit rire, tentant de cacher la pointe de nervosité dans sa voix. “Je n’en doute pas. Mais j’ai rendez-vous avec un ami pour dîner au Hilton.”

“Quand bien même,” répondit l’agent, “le président m’a donné l’ordre de vous raccompagner jusqu’à votre hôtel, donc c’est ce que je dois faire pour des raisons de sécurité.” Il poussa alors un soupir, comme s’il compatissait à son sort, alors qu’elle était à peu près sûre qu’il allait la tuer. “Je suis sûr que vous comprenez.”

“Oh,” dit-elle soudain. “Mes affaires ? Mon téléphone et ma pochette ?”

“Je les ai.” Joe tapota la poche à la poitrine de sa veste.

Au bout d’un long moment de silence, Karina reprit la parole, “Puis-je les récupérer… ?”

“Bien sûr,” dit-il sur un ton enjoué. “Dès que nous serons arrivés.”

“J’aimerais beaucoup les avoir maintenant,” insista-t-elle.

L’agent sourit à nouveau, tout en gardant les yeux sur la route. “Nous y serons dans quelques minutes,” dit-il sur un ton placide, comme si elle était une petite fille excitée. Karina doutait vraiment que ses affaires se trouvent dans sa veste.

Elle s’enfonça dans son siège ou, du moins, donna l’impression de le faire et d’avoir l’air détendue, tandis que le SUV s’arrêtait à un feu rouge. L’agent des Services Secrets attrapa une paire de lunettes noires sur la console centrale, puis les installa sur son nez.

Le feu passa au vert.

La voiture devant eux se mit à avancer.

L’agent abandonna la pédale de freins pour celle d’accélération.

D’un geste vif, Karina Pavlo détacha sa ceinture de sécurité d’une main, tout en ouvrant sa portière de l’autre. Elle sauta hors du SUV en marche, ses talons heurtant l’asphalte. L’un d’entre eux se cassa lors de cette manœuvre. Elle partit en avant et tomba au sol sur les coudes, roula, puis se mit debout en chancelant. Elle retira ses chaussures à talons et se mit à courir en collants dans la rue.

“C’est quoi ce bordel ?!” L’agent des Services Secrets enfonça la pédale de freins et arrêta le véhicule en plein milieu de la rue. Il ne prit pas la peine de lui crier de revenir, mais il n’allait certainement pas la laisser partir ainsi, preuve qu’elle avait eu raison sur toute la ligne.

Des automobilistes se mirent à crier et à klaxonner, tandis que l’agent sautait de son véhicule. Mais elle était déjà presque rendue au croisement suivant, quasiment pieds nus car ses collants s’étaient filés, ignorant les aspérités occasionnelles de la route qui s’enfonçaient dans la plante de ses pieds.

Elle tourna brusquement à l’angle et se précipita dans la première voie qu’elle vit, pas vraiment une allée, mais plutôt une ruelle piétonne entre deux rangées de boutiques. Ensuite, elle prit à gauche, courant aussi vite que possible et regardant par-dessus son épaule de temps à autre, ne voyant pas l’agent à ses trousses.

En déboulant sur la rue suivante, elle repéra un taxi jaune.

Le conducteur faillit recracher son café dans la tasse en polystyrène à ses lèvres quand elle fit irruption sur sa banquette arrière en hurlant, “Démarrez ! Je vous en supplie, démarrez !”

“Bon sang, Mademoiselle !” cria-t-il. “Vous m’avez filé une de ces frousses…”

“Quelqu’un me poursuit, démarrez, s’il vous plaît,” implora-t-elle.

Il fronça les sourcils. “Qui est-ce qui vous poursuit ?” Le conducteur irrité se mit à regarder tout autour de lui. “Je ne vois personne…”

Putain, démarrez, s’il vous plaît !” lui hurla-t-elle.

“Ok, ok !” Le taxi démarra en s’engagea au beau milieu du trafic, déclenchant une nouvelle salve de klaxons qui allait sans aucun doute aiguiller l’agent sur la direction à prendre.

Comme prévu, en se retournant sur son siège pour regarder par la lunette arrière, elle vit l’agent arriver de l’angle de la rue en sprintant. Il ralentit sa course, ses yeux croisant les siens. L’une de ses mains s’enfonça brièvement sous sa veste, mais il semblait hésiter à sortir une arme en plein jour, et finit plutôt par porter sa main à l’oreille afin de contacter quelqu’un par radio.

“Tournez à gauche ici.” Karina guida le taxi pour qu’il tourne, conduise tout droit en passant quelques rues de plus, puis prenne à droite. Ensuite, elle sauta à nouveau en marche, tandis qu’il lui criait après pour son paiement. Elle courut jusqu’à bout de la rue, puis fit de même par trois fois, sautant dans des taxis, puis en dehors, jusqu’à ce qu’elle ait parcouru la moitié de DC de manière tellement sinueuse qu’elle était sûre que Joe, l’agent des Services Secrets, ne pourrait jamais la retrouver.

Elle reprit son souffle et lissa ses cheveux, arrêtant de courir pour se mettre à marcher à pas rapides, tête basse, essayant de ne pas avoir l’air éreinté. Le scénario le plus probable était que l’agent avait relevé le numéro de la plaque d’immatriculation du taxi, et le malheureux chauffeur (bien qu’un peu long à la détente) allait être arrêté, fouillé et interrogé pour s’assurer qu’il ne faisait pas partie d’un quelconque plan d’évasion prévu à l’avance.

Karina entra dans une librairie, espérant que personne ne remarquerait qu’elle ne portait pas de chaussures. La boutique était calme et les étagères hautes. Elle se rendit rapidement vers l’arrière pour aller aux toilettes, s’aspergea le visage avec de l’eau, et lutta pour se retenir de fondre en sanglots.

Son visage était toujours livide à cause du choc. Comment tout avait tourné mal si vite ?

Bozhe moy,” dit-elle dans un lourd soupir. Mon dieu. Alors que l’adrénaline se dissipait, la pleine gravité de sa situation lui apparût. Elle avait entendu des choses qui n’étaient pas censées quitter le sous-sol de la Maison Blanche. Elle n’avait pas de pièce d’identité. Pas de téléphone. Pas d’argent. Bon sang, elle n’avait même pas de chaussures. Elle ne pouvait pas retourner à son hôtel. Même se montrer dans n’importe quel lieu public équipé d’une caméra pourrait s’avérer risqué.

Ils n’allaient pas cesser de la poursuivre à cause de ce qu’elle savait.

Mais elle avait ses boucles d’oreilles. Karina toucha son lobe gauche d’un air absent, caressant la perle lisse qui s’y trouvait. Elle avait les mots qui avaient été prononcés lors de la réunion, et pas seulement dans sa mémoire. Elle avait la preuve de la dangereuse connaissance que le président américain, un présumé démocrate libéral qui avait gagné l’admiration du pays, était un pantin manipulé par les russes.

Là, dans les toilettes pour dames d’une librairie du centre-ville, Karina se regarda dans le miroir et se murmura avec désespoir, “Je vais avoir besoin d’aide.”

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